Céramique d'Afrique subsaharienne
La céramique d'Afrique subsaharienne existe sur le continent africain depuis plus de 8 000 ans. Elle est étroitement associée à la vie quotidienne des populations.
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La céramique d'Afrique subsaharienne existe sur le continent africain depuis plus de 8 000 ans[1]. Elle est étroitement associée à la vie quotidienne des populations[2].
Ses formes et ses fonctions variées vont de la vaisselle courante aux jarres funéraires ou aux récipients conçus pour conserver l'eau, l'huile ou les céréales.
On la trouve aussi dans les figurines ou statuettes votives ou rituelles, rythmant les passages de l'existence : l'apparition, l'initiation, le mariage et la mort. On a retrouvé à Jos des pièces appartenant à la civilisation Nok (Nigeria, 1er millénaire av. J. -C). Les figurines d'argile sont aussi présentes particulièrement tôt au Mali (Mopti), au Nigeria (Ife) ou au Tchad (pays de Sao) [3].
On la retrouve enfin dans une vaste gamme d'objets, des longues pipes pourvues de fourneaux en terre cuite qui relèvent de l'art de cour et assument la fonction d'objets d'apparat, aux poids de filets de pêcheurs[4].
Matériaux et techniques
Matière première


La première source de matériau provient des mares, vasières et cours d'eau. Cette pâte de base, assez hétérogène, ne sert à produire que des pièces à parois épaisses. Cette argile naturelle est corrigée par incorporation de matériaux d'origine minérale ou végétale (opération de dégraissage). Pour perfectionner sa plasticité, abaisser sa température de cuisson et sa résistance à la cuisson sur feu ouvert, elle va être mélangée à de la cendre, de la paille hachée ou de la céramique broyée (chamotte). Le mélange obtenu est foulé aux pieds jusqu'à obtenir la qualité souhaitée.
Une autre source de matériau argileux provient des carrières mais il est habituel que soient exploitées les termitières désaffectées. Dans ce cas le matériau le plus recherché se situe au cœur de la termitière. L'argile traitée par les termites est à la fois spécifiquement fine mais également naturellement enrichie d'additifs qui assurent un très faible retrait et une cuisson homogène aux pièces céramiques. Cette argile, puisée à grande profondeur, broyée et malaxée par les termites, peut être combinée avec d'autres argiles ou de la chamotte, anciens fragments de poteries cuits et broyés.
L'utilisation des termitières comme source de matériau céramique se retrouve en République Centrafricaine (Babinga), Côte d'Ivoire (Baoulé et Bété), Zaïre (Bangala, Uélé), Tanzanie, Sénégal (Bassari), Angola (Va-nyaneka) [5].
Les matériaux sont extraits et transportés «à dos d'homme»[note 1]. Les gisements sont rarement distants de plus de deux kilomètres du lieu de production.
Modelage
Quatre techniques de production de poteries se rencontrent fréquemment[6] :
- Le façonnage ou estampage sur un support convexe. Ce peut être une grosse pierre ou bien l'extérieur d'un pot existant. Ce dernier sert de matrice que la potière recouvre de glaise. Une fois la terre battue et lissée, le pot est retiré et le modelage est poursuivi aux colombins.
- La technique la plus souvent utilisée est celle de la poterie en colombins. Sur une boule de glaise aplatie sont montés des boudins de terre qui forment progressivement l'enveloppe de la poterie. Ce type de montage de la terre ressemble à l'art archaïque de la vannerie.


La poterie est lissée et affinée avec un galet tenu à l'intérieur et d'une spatule de bois. La dextérité de la potière lui sert à s'affranchir du tour pour produire une pièce de révolution quasi idéale. Le martelage répété de la forme de terre, qu'on peut rapprocher du travail du métal[note 2], rend la poterie plus fine et plus résistante. Plusieurs types de battoirs sont utilisés, quelquefois gravés de motifs qui s'imprimeront dans la terre.
Le montage de pièces importantes exige des temps de séchage intermédiaires pour que la forme supporte sans s'affaisser les couches supérieures. Le degré de séchage est estimé par la potière selon son expérience[7].
- Le modelage dans une forme concave, poterie ou panier en vannerie qui laisse souvent sur les jarres l'empreinte de sa texture tressée, est aussi utilisé pour extraire la forme de la boule de glaise. La boule est enfoncée, par le poing ou avec un pilon, puis sa paroi est relevée par la pression des pouces.
- L'étirage à partir d'une masse pleine. Par pression, la forme est progressivement construite et affinée.
L'usage du tour de potier, introduit en Afrique du Nord par les Phéniciens dès le VIIIe siècle av. J. -C. , est rare et plutôt utilisé par les hommes. La quasi-absence de tours est révélatrice de la barrière physique créée par les zones désertiques du Sahara dans les échanges techniques et commerciaux.
Quand ils existent, les tours sont de simples plaques de pierre ou fragment de poterie entrainés par les pieds du potier ou par les soins d'un assistant. Leur rôle est moins le montage d'une forme en argile fluide que la rotation lente d'une pièce en cours de modelage sous le battoir.
Cuisson


Principale caractéristique des poteries africaines, la cuisson à basse température surprend les chercheurs occidentaux qui ont longtemps reconnu qu'elle formait un retard technologique comparé aux poteries vitrifiées, à la sonorité plus cristalline. L'analyse plus précise de ces productions a fait cependant ressortir les deux qualités majeures de ce mode de cuisson : une porosité conservée qui assure une évaporation des liquides en surface, refroidissant le contenu et une excellente résistance aux chocs thermiques qui autorise l'utilisation de ces poteries comme ustensiles de cuisson[8].
Les poteries sont habituellement cuites «en meule» sur feu ouvert, hors four. La potière forme une meule avec les pièces à cuire, de la paille, des bûches et des branchages. Les pots fabriqués sont apportés sur le site de cuisson par les femmes et les jeunes filles. À chacun des multiples voyages, les femmes transportent deux pots sur leur tête et un dans leurs bras. La meule, une fois constituée, est mise à feu sur tout son pourtour avec un brûlot[9].
La meule de cuisson est un assemblage précis de matériaux. La superposition des soignée des couches, branchages, paille, bois, est garante tant de la qualité de la cuisson que de l'économie du combustible. On observe souvent une amorce de couverture de la meule avec fragments de poteries qui renvoient la chaleur du foyer en jouant le rôle de voûte[6].
La cuisson finale est assez courte, de trente minutes à une heure, avec une température de 600--650 °C. Elle est cependant précédée d'un temps de séchage au soleil, jusqu'à 3 semaines, et fréquemment d'une précuisson à proximité du foyer.
La composition hétérogène de la pâte céramique permet une meilleure résistance à l'élévation brutale et difficilement contrôlable de la température du feu ouvert. Les impuretés et matières organiques volontairement incorporées à la terre agissent comme des pores qui laissent s'échapper la vapeur résiduelle sans provoquer l'éclatement des pièces[10].
Finition


Les surfaces des pièces sont rarement glaçurées mais peuvent recevoir un engobe à base d'hématite avant cuisson. L'usage des poteries, cuisson et conservation, s'accorde mieux aux pièces brutes qui conservent leur porosité naturelle.
Les céramiques extraites du foyer peuvent être «étouffées» sur un lit de végétaux ou de matières organiques (crottin). La cuisson réductrice qui découle de cette technique fait passer la poterie du beige clair à une teinte sombre. Les pièces brûlantes peuvent aussi être plongées dans une mixture à base de fruits écrasés de susun (ou kaki de brousse), et d'écorce de ngonde afin d'obtenir un rouge brillant[11].
On trouve aussi des pièces à décor géométrique peint après cuisson, soit en utilisant des pigments végétaux, soit même quelquefois des peintures du commerce.
Les pièces terminées et décorées peuvent toujours être soigneusement polies avec un galet pour accentuer la profondeur de leur brillant.
Répartition socio-culturelle
La poterie et le travail de la terre sont habituellement assurés par les femmes, surtout pour la poterie domestique et utilitaire. Le champ d'intervention des potiers masculins se concentre sur les pièces à caractère rituel ou funéraire comme dans les tours funéraires des Bakongos Ba Mboma conçues pour accompagner le mort ou les têtes de céramique Yorubas à double visage posées sur le corps du défunt.
Cette différentiation dans les productions peut cependant fluctuer dans les diverses cultures africaines. Une potière qui n'est plus en age de procréer peut élaborer des pièces figuratives et non plus uniquement des céramiques domestiques, comme si la ménopause l'assimilait désormais à l'homme[note 3].
La production de poteries, du fait de la quantité de combustible indispensable à la cuisson des pièces, regroupe fréquemment plusieurs artisans au sein d'une association (tons). La production est par conséquent rythmée par les obligations techniques tout autant que par les règles sociales. À Kalabougou, important centre potier du Mali, l'activité des potières est basée sur un cycle hebdomadaire : les potières vont chercher l'argile le mardi et le mercredi, le jeudi et le vendredi servent à façonner les céramiques qui seront cuites le samedi et le dimanche pour être vendues le lundi au marché de Ségou[11].
Caractères stylistiques
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La première histoire de l'Afrique s'est écrite grâce à la terre cuite. Les témoignages les plus anciens de la vie des populations africaines sont des objets céramiques. La terre cuite, du fait de sa faible valeur, a rarement été réemployée[note 4] tandis que les métaux ont été transformés et refondus alors que le bois était la proie des termites. C'est par conséquent en terre qu'ont été modelées les plus anciennes figures retrouvées.
En fonction de l'usage projeté, les poteries présentent des finitions et des décors spécifiques :
- poteries d'usage courant : plats, marmites, cruches, jarres. Elles sont peu décorées, une finition par un engobe et une cuisson réductrice sur un lit de matière végétale leur donne une texture plus fermée et une teinte sombre. Le canari, petite jarre de forme sphérique, est la forme de récipient la plus commune;
- poteries à décors scarifiés : leur surface incisée de motifs géométriques rappelle les scarifications rituelles des visages ou des corps. Les motifs répétitifs peuvent être créés avec une lame aiguisée, un rayon de roue de byciclette ou bien en roulant sur le pourtour de la poterie un bâton habillé d'un tissage de vannerie ou une tresse à trois herbes. D'autres objets produisent ces motifs répétitifs : ressorts, molettes de terre cuite. Ces céramiques sont presque toujours peintes avec engobes colorés avant cuisson.
Les greniers de ferme, véritables poteries architecturales de la région de Natona (Burkina-Faso), sont des jarres de grande taille fabriquées par des spécialistes. Ils sont scellés en batterie dans la paroi de la maison de la femme et détruits à son décès. On les utilise pour la conservation des aliments et des céreales mais également quelquefois pour le rangement des vêtements[6] - poteries figuratives : elles associent un récipient fermé de forme sphérique et un couronnement sculpté. Les motifs font appel à un registre zoomorphe : batraciens, félins, bovidés (ethnie Tikar, Cameroun) ou anthropomorphe : personnages à deux têtes ou visages surmontés d'une coiffe tubulaire (pays Mangbetu, République démocratique du Congo) [3] ;
- figurines et statuettes : particulièrement répandues dans la civilisation nok du Nigéria[4], ces pièces, anthropomorphes ou zoomorphes, peuvent atteindre 1, 20 m de haut. Leur paroi d'épaisseur constante assurait une cuisson homogène et démontre l'expertise technique atteinte par les potiers nok. Comme dans la majorité des représentations africaines, la tête est surdimensionnée comparé au reste du corps et atteint fréquemment le tiers ou le quart de la hauteur de la statuette. Les caractères stylistiques des représentations nok s'apparentent aux figures égyptiennes. Les migrations transsahariennes pourraient en avoir favorisé la diffusion. L'absence de la fonction de récipient sert à distinguer les poteries funéraires ou rituelles des poteries figuratives.
Ethnies et lieux de production
Afrique de l'Ouest (en vert sur la carte)
Bénin -
Burkina Faso (Songhay) -
Côte d'Ivoire -
Gambie -
Ghana -
Guinée -
Guinée-Bissau -
Cap-Vert -
Liberia -
Mali (Kalabougou, Mopti) -
Mauritanie -
Niger -
Nigeria (Mambila, Bamileke, Ife, Nok, Tikar, Mumuye, Yoruba) -
Sénégal -
Sierra Leone -
Togo
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Afrique centrale (en rose sur la carte)
Burundi - République centrafricaine - Tchad (Sao) - République démocratique du Congo (Mangbetu, Kongo) - Zaïre - Rwanda -
Cameroun - Guinée équatoriale - Gabon - République du Congo (Teke)


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Afrique de l'Est et Afrique australe (en orange et en rouge sur la carte)
- Pays de la corne de l'Afrique : Érythrée -
Éthiopie - Djibouti - Somalie.
- Pays des Grands Lacs africains faisant aussi partie du grand rift : Kenya - Ouganda -
Tanzanie.
- Afrique du Sud - Angola - Botswana - Lesotho - Malawi (Chewa) - Mozambique - Namibie - Swaziland - Zambie - Zimbabwe.
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Bibliographie
- (fr) Michel Raimbault, La poterie respectant les traditions au service de l'archéologie : les ateliers de Kalabougou, Bulletin de l'I. F. A. N, T12, série B, no 3, 1980. Étude complète sur le mode de production et les typologies des poteries de Kalabougou au Mali
- (fr) Camille Virot, La poterie africaine, ARgiles éditions, collection granit n°3, ISBN 2-909758-23-0
- (es) Bryan Sentance, Ceràmica, Sus tecnicas traditionales en todo el mundo, Nerea, 2005 (ISBN 84-96431-05-3)
Notes
- Plus précisément «à dos de femme».
- Dans certaines régions d'Afrique, comme le Cameroun, il est habituel que, dans un couple, l'homme exerce un métier lié au métal ou à la forge alors que la femme est potière. Ce rapport étroit explique les rapprochements techniques et stylistiques observés entre la metallurgie et la poterie. (Bryan Sentance, Ceràmica, p. 17)
- Les potières agées décrivent le moment où elles sont passées de la poterie utilitaire à la poterie figurative comme «l'époque où je suis devenu un homme.» (Catalogue Barbier-Mueller)
- Les potières Yacouta au Burkina Fasso utilisent cependant des poteries récupérées sur un site archéologique en cours d'érosion pour fabriquer leur chamotte (source : Alexandre Livingstone Smith)
Références
- Tessons de céramique trouvés en Afrique de l'Ouest
- Pierre Salmon, Nouvelle introduction à l'histoire de l'Afrique, Éditions L'Harmattan, 2007, ISBN 2296032656, EAN 9782296032651, numérisé partiellement par Google Books3
- Bachar Rahmani, Exubérance et richesse africaine, Afrique Asie, septembre 2008.
- Catalogue du Musée Barbier-Mueller. Consulté le 26 septembre 2009.
- Abiola Félix Iroko, L'homme et les termitières en Afrique, Karthala Éditions, 2000, (ISBN 9782865375936) .
- Source : Exposition Poterie Nègre, Saint-Jean d'Angely, mai-novembre 2010.
- Bryan Sentance 2005, p. 48
- Christopher Roy, Chemistry of African Potery
- (en) Janet Goldner, The women of Kalabougou, article publié dans African Arts, printemps 2007, vol. 40, No. 1, pages 74-79.
- Bryan Sentance 2005, p. 89
- Alexandre Magot, Les potières de Kalabougou et Fabrication et traitements des poteries à Kalabougou
Liens externes
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La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 14/12/2010.
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